DREAMWORKS VS PIXAR
Ecrit par: dvdrama
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A un moins d’un mois de la sortie de Shrek le troisième, et un petit peu plus de celle de Ratatouille, on vous propose un petit bilan comparatif des deux leaders de l’animation américaine.
Round 1
1995 : Après presque dix ans de courts métrages, Pixar sort Toy Story. Le studio est lié à un partenariat avec Disney qui distribue le film et les prochains projets jusqu’en 2005. Premier long métrage en images de synthèse Toy Story obtient un excellent accueil auprès du public et de la critique alors encore peu habitués au style. Le film engrange 361 millions de dollars à travers le monde, impose John Lasseter comme une figure marquante de l’animation américaine et sera même récompensé par un « Achievement award » lors des Oscars pour son travail novateur.
1998 : Dreamworks fut créé en 1994, mais il faut attendre 1997 pour voir les premiers films « live » et 1998 pour l’animation. Jeffrey Katzenberg, transfuge de Disney, dévoile ses ambitions : battre Mickey sur son terrain en produisant aussi bien des dessins animés en 2D que des films en 3D. Ce sera Fourmiz qui ouvrira le bal suivi deux mois plus tard par Le Prince d’Egypte, le tout dans des techniques et des tons différents.
Fourmiz sort au mois d’octobre 98, un mois avant le 1001 pattes de Pixar sur un sujet similaire. Ce premier affrontement marque clairement les différences artistiques des deux compagnies qui n’auront de cesse de s’opposer sur des films aux univers semblables (ex : Nemo / Gang de requins).
Fourmiz penche plutôt vers la comédie légèrement plus adulte que la concurrence avec un héros névrosé interprété par Woody Allen. Effectivement l’une des grosses nouveautés de Dreamworks est de faire la promotion de ces films d’animation autour des noms des grandes stars venues doubler les personnages. Même si cela n’est pas nouveau, articuler la promotion sur leur renommée est tout à fait novateur, leurs noms apparaissant en grand sur les affiches et bandes annonces. Ce principe émane d’un désir de casser l’image de « dessin animée » en le rapprochant du long métrage, et faisant des héros non plus des êtres virtuelles pour enfants, mais de véritables personnages incarnés par des stars avec des personnalités et leur performance d’acteur.
Si le casting voix est réussi, l’aspect visuel déçoit quelque peu et le film semble avoir été fait précipitamment pour contrer au plus vite 1001 pattes. Fourmiz rapporte 171 millions de dollars à travers le monde.
1001 pattes sort un mois plus tard et réalise 363 millions de dollars dans le monde, soit plus du double de Fourmiz. Le film est visuellement beaucoup plus réussi que son adversaire, avec un univers coloré enchanteur et une dernière séquence sous la pluie époustouflante. John Lasseter devient une star et Pixar sort largement vainqueur de ce premier affrontement direct avec Dreamworks.
Le Prince D’Egypte quant à lui offre un ton largement plus proche du Disney traditionnel en raison du sujet, mais aussi par les éternels chansons parasitant le métrage. Le film est visuellement une réussite, évoquant Gustave Doré et Majorelle. Résultat : 218 millions de dollars à travers le monde, ce qui est un peu moins que les Disney de la même époque.
Round 2
1999 : Alors que Dreamworks annonce sa collaboration avec le studio Anglais Aardmann créateur des Wallace et Gromit, afin de réaliser des longs métrages en stop motion, Pixar sort sur les écrans Toy Story 2 en fin d’année. Le film est encore meilleur que le premier et permet alors de comparer objectivement l’évolution énorme de la technique depuis 4 ans et demi. Petit bijou d’humour, le troisième film du studio confirme la « formule Pixar » : des personnages arrachés à leur milieu naturel, et un petit groupe qui part à leur recherche et allant se confronter au monde extérieur. A chaque sortie, les films Pixar marchent encore plus que les précédents, et celui là engrange mondialement 485 millions de dollars. Alors que les films d’animation Disney en 2D commencent à décliner, Pixar s’impose tout doucement comme le studio d’animation le plus important aux Etats-Unis.
2000 : Dreamworks continue dans l’animation 2D avec le sympathique La Route d’Eldorado, qui ne rencontrera pas son public. Le faible score de 76 millions de recettes à travers le monde commence à se faire poser des questions à Jeffrey Katzenberg quant à la poursuite de la technique 2D.
Mais le studio retrouve des couleurs et connaît ensuite un beau succès avec Chicken Run issu de la collaboration avec Aardman. Même si le film est loin d’être aussi génial que les courts métrages de Wallace et Gromit, il montre la volonté de Dreamworks de se diversifier et de s’ouvrir vers tous les horizons possibles dans l’animation. Le film rapporte 224 millions de dollars et permet aux deux studios de lancer la production d’un nouveau long métrage encore tenu secret.
2001 : Si l’animation 2D déçoit les dirigeants de Dreamworks tout comme ceux de Disney, la sortie de Shrek au mois de juin 2001 impose le studio comme un poids lourd de l’industrie américaine, et pas seulement dans l’animation. Le film est vendu comme une parodie anti-conte de fée à la Disney et injecte une grosse dose d’humour dans un univers assez mièvre. Malheureusement, le design de l’ensemble est assez laid, et passée la première heure franchement sympathique, la dérision et l’humour laissent place à l’ennui. Le film n’ayant malheureusement pas le courage de finir ce qu’il a commencé en concluant sur une morale bien pensante plus que douteuse où l’aboutissement de l’amour doit être forcément le mariage, et qui pourra se réaliser que si on a la même couleur de peau. Résultat : 484 millions de dollars et un Oscar pour le meilleur film d’animation… Shrek devient une icône et Dreamworks annonce déjà deux suites en chantier.
Shrek concourait pour l’Oscar face à Monstres et cie de Pixar sorti en fin d’année. Monstres et cie est le premier film Pixar non réalisé par John Lasseter et nous fait découvrir un univers parallèle peuplé de monstres complètement barrés. Le film est à la fois drôle et touchant (magnifique plan final) se concluant sur une véritable scène d’anthologie avec une poursuite sur des portes de placard donnant accès au monde des humains. Pixar réussit encore à créer des personnages inoubliables et surtout qui rapportent : 525 millions dollars à travers le monde, soit légèrement plus que Shrek. Mais Dreamworks commence à s’imposer avec force.
Round 3
2002 : Nouvelle déception du côté de l’animation traditionnelle pour Dreamworks, Spirit, l’étalon des plaines, trotte péniblement à travers le monde jusqu’à 122 millions de dollars. Le film est visuellement assez réussi mais le scénario est trop conventionnel et niais pour un public qui acclama Shrek et sa toute relative impertinence l’été précédent.
2003 : Le monde de Nemo explose le box office mondial et devient le plus gros succès pour un film d’animation détrônant ainsi le Roi Lion. Le film est un nouveau classique pour Pixar qui obtient alors son premier Oscar pour un film d’animation. Un carton qui oblige alors Dreamworks à reporter de quelques mois la sortie de son film de poissons, Gang de requins, de peur de la confrontation directe.
Le même été Dreamworks sort ce qui sera son dernier film 2D, Sinbad, la légende des sept mers. Le film est assez réussi et fun mais le public ne s’y intéresse pas préférant alors les premières aventures de Jack Sparrow. Malgré la présence des noms de Brad Pitt, Michelle Pfeiffer et Catherine Zeta Jones, le film n’amasse que 73 millions de dollars à travers le monde et condamne définitivement le genre 2D chez Dreamworks.
Pendant que Pixar surfe sur le succès, Dreamworks boit la tasse. Mais ce n’est que partie remise.
Round 4
2004 : Le record du Monde de Nemo n’aura tenu que quelque mois. Effectivement, Shrek 2 sort sur les écrans américains et pulvérise le box office. Même si le film apporte un nouveau personnage du Chat potté franchement rigolo, Shrek 2 est bien moins réussi que le premier, composé uniquement de détournements télévisuels et d’incessants clins d’œil visant à flatter les spectateurs. Le film devient le plus gros succès du studio tout genres confondus et rapporte près d’un milliard (920 millions pour être précis) ; et étrangement enregistrera des ventes décevantes en dvd l’année suivante par rapport au succès en salle.
Shrek 2 domine la saison estivale, et Dreamworks lâche une deuxième vague en octobre avec Gang de requins. Le film n’a clairement pas le niveau d’excellence du Monde de Nemo tant sur le plan visuel que scénaristique mais rapporte tout de même 363 millions de dollars. Le film montre alors clairement la politique de Dreamworks de multiplier au maximum les sorties et essayer de capitaliser le plus possible sur les succès à la mode (à cette époque c’était Nemo). Alors que Pixar essaye de tenir le rythme d’un film tous les 18 mois, Dreamworks vise deux films par an : un film pour la saison estivale et un autre pour la période de Noël.
Devant un tel raz de marée Pixar aura fort à faire au mois de novembre avec Les Indestructibles. Même si le film n’atteint pas les scores de Nemo et encore moins ceux de Shrek 2, il devient le second plus gros succès du studio avec 631 millions. Pour la première fois, un film Pixar est réalisé par quelqu’un extérieur au studio. Brad Bird est un vieux copain de John Lasseter, et a œuvré sur Les Simpson avant de réaliser pour Warner en 1999, l’excellentissime Géant de fer.
Avec Les Indestructibles, Pixar offre un film plus mature qu’a l’accoutumée avec quelques passages violents et des idées inhabituelles pour se genre de production : l’infidélité, la torture, les enfants se faisant tirer dessus ou kidnapper, le cadavre putréfié d’un super héros… Véritable monument d’action et de fun jazzy, Les Indestructibles casse les clivages et les étiquettes de « dessins animés » pour jouer dans la cour des grands films d’action et pour s’imposer comme l’un des meilleurs films de super héros de tous les temps… et un Oscar en prime face à Shrek 2.
Round 5
2005 : Ainsi six mois après Gang de requins, Dreamworks sort pour le début de l’été Madagascar. Le film pompe sans vergogne la formule Pixar énoncée plus haut et tente vainement de faire aussi bien que la concurrence. C’est loupé, même si le parti pris esthétique original tente de se rapprocher de la 2D. A noter que comme pour Scrat sur les Ice Age, ce sont des personnages secondaires (les pingouins) trop peu présents à l’écran qui volent la vedette aux personnages principaux. Le film est un gros succès (532 millions de dollars) et vient se placer juste derrière les Shrek. Du coup la logique commerciale de Dreamworks continue et une suite est mise en chantier afin de sortir en 2008.
Le rythme élevé des sorties Dreamworks continue en octobre avec l’épatant Wallace et Gromit : Le Mystère du Lapin Garou. On y retrouve tout ce qui a fait le succès de Aardman, avec un inventivité de tous les instants, une technique ultra maîtrisée et un humour anglais omniprésent. Malheureusement le succès n’est pas au niveau de la qualité du film qui récolte beaucoup moins que Chicken Run, avec 192 millions de dollars dans le monde.
Dreamworks occupe tout le terrain et gagne ce round faute de concurrence, mais n’arrive cependant pas à creuser l’écart à cause de la médiocrité de ses productions.
Round 6
2006 : Dreamworks sort ses films à la chaîne et son dernier en date : Nos voisins les hommes. Une nouvelle fois le studio emprunte beaucoup d’idée à la concurrence et la formule des « pauvres petits êtres qui se confrontent au monde des humains » sent fortement le réchauffé. Pour autant le film n’est pas si catastrophique et procure quelques bons passages, deux en fait : la présentation du mode de consommation des humains, et la scène finale avec l’écureuil qui boit de la boisson énergétique. Le film s’adresse clairement aux plus petits et obtient mondialement un score équivalent à Gang de requins avec 335 millions de dollars.
Un peu plus d’un mois après le nouveau Pixar arrive sur les écrans. Cars, réalisé par John Lasseter, est beaucoup plus dans l’esprit des premiers films que ne l’était Les Indestructibles. Preuve que la personnalité du réalisateur se ressent sur le film et qu’il reste le seul maître à bord. Cars, s’inspirant des vieux dessins animés américains des années 50, arrive à rendre expressives des voitures. Visuellement, c’est une splendeur de tous les instants, située dans une Monument Valley à la sauce Pixar et Cadillac. Même si le film fait un carton (461 millions), le score reste en deçà des dernières productions du studio et atteint le niveau d’un Toy Story 2. Le film sera nommé à l’Oscar du meilleur film d’animation face aux excellents Happy Feet et Monster House. Dommage pour Pixar, ce sont les pingouins de George Miller qui remportent la mise.
Le studio Aardman revient encore une fois avec Souris City. Le film fait une entorse à la technique habituelle en stop motion du studio pour succomber aux charmes de la 3D. Même si les graphistes imitent le style « pâte à modeler » dans les textures, les mouvements et le design des personnages, mais le film est bien loin de rivaliser avec le génie de Nick Park et se contente de ressortir toujours la même formule scénaristique. Souris City rapporte encore moins que Wallace et Gromit, avec 176 millions.
Une nouvelle fois Pixar bat Dreamworks mais c’est surtout la concurrence de Sony (Monster House, Les rebelles de la forêt), Warner (Happy Feet, TMNT) et de Fox (les Age de glace, Robots) qui est à craindre.
Round 7
2007 : Pixar réussit à tenir un nouveau rythme d’un film par an et sort au mois de juin le nouveau film de Brad Bird : Ratatouille. Mais avant cela Dreamworks aura lâché son mastodonte : Shrek le troisième.
Le film réussit à faire un démarrage encore plus énorme que les précédents (122 millions en trois jours) et devrait finir sa course vers les mêmes scores que ses aînés. Malheureusement Dreamworks nous sert toujours la même histoire qui commence à sentir le moisi et invente le film entièrement composé de scènes coupées et rejetées des autres films d’animation. Pas aussi drôle que les précédents volets, Shrek le troisième réussit en plus l’exploit de ne pas évoluer dans sa technique, et de proposer un style et une qualité visuelle largement dépassés.
Toujours est-il qu’en attendant Ratatouille qui n’a pas été encore présenté à la presse, Dreamworks envahit le terrain en force, et on se demande s’il restera assez de place pour un petit rat…
Le Bilan
Alors que ce profile une guerre sans merci cet été, opposant le champion du box office, Shrek, à Ratatouille, Pixar semble faire figure de challenger face à l’ogre vert. C’est l’une des réussites du studio Dreamworks que d’avoir pu imposer un personnage aussi populaire, rivalisant avec les Woody,Buzz et autre Nemo.
Mais mis à part Shrek, Dreamworks n’a pas réussi à marquer profondément les esprits, à cause notamment de films à la qualité plus que discutable. Le studio semblant privilégier la quantité à la qualité. Mais les principales réussites de Dreamworks viennent de son désir de diversification, malheureusement pas toujours aussi payant (les Aardman, la 2D traditionnelle) que la 3D et sa volonté de s’ouvrir désormais vers d’autres auteurs : Bee Movie prévu pour cet hiver, avec un comique aussi fort que Jerry Seinfeld au scénario et au doublage.
Pour l’instant la guerre n’est pas finie, même si Pixar réalise une plus grosse moyenne par film au box office (presque le double de la moyenne de Dreamworks) : environ 527 millions de dollars de moyenne par film pour le studio d’Emeryville contre 299 millions pour Dreamworks. Mais les plus grosses déconvenues de Dreamworks furent les films en 2D traditionnelle désormais abandonnée par le studio, alors que paradoxalement, John Lasseter arrivé à la tête du département animation de Disney désire revoir et produire à nouveau des films en 2D comme ceux qui en furent la renommée. Une fois encore Pixar et Dreamworks marquent leurs différences.
Qualitativement parlant c’est encore une évidence : Pixar domine largement son adversaire, et le récent Shrek le troisième vient creuser le gouffre entre les deux studios. Que ce soit au niveau technique ou bien scénaristique Pixar fait preuve d’une plus grande exigence, d’une volonté d’innover et de prendre des risques en permanence (par exemple : WALL.E, le Pixar de 2008 montrant un robot vivant seul sur une planète Terre dévastée, devrait normalement être sans aucun dialogue).
Alors que Dreamworks capitalise d’abord sur les suites, avec pas moins de trois annoncées (dont un spin-off) Shrek 4, Madagascar 2 et Puss in Boots avec le chat potté de Shrek 2 et 3. Même si Pixar annonce un Toy Story 3 pour 2009 (soit dix ans après le deuxième) cela ne répond pas pour autant à une logique commerciale car les plus gros succès du studio que sont Le Monde de Nemo, Les Indestructibles ou Monstres et Cie n’ont aucune suite de prévue. De plus Toy Story 3 fut mis en chantier par Disney et non pas par Pixar. Lorsque ceux-ci ont fait mains basses sur Mickey, Lasseter a d’abord refusé le film avant de trouver une nouvelle histoire encore meilleure et de lancer la production au sein de Pixar. L’histoire et l’originalité de son auteur sont les principales forces des films Pixar. Comparativement les films Dreamworks n’ont aucune personnalité distincte et semblent avoir été réalisés par des metteurs en scène interchangeables n’ayant en tête que dérision préfabriquée, une estime bien médiocre quant aux possibilités offertes par la technique et un mépris pour le genre en lui-même.
And the winner is…
Même si le combat n’est pas prêt de s’arrêter pour l’instant c’est en toute logique que Pixar en sort grand vainqueur. Sans surprises.
Mais la tendance pourrait s’inverser avec l’arrivée de nouveaux gros studios (Fox, Warner, Sony) et des réalisateurs prestigieux comme George Miller ou Robert Zemeckis qui ouvrent la voie de l’animation aux grands réalisateurs de film « live »…
A suivre.
Stanislas Bernard
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Stanislas Bernard
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