La psychothérapie centrée sur la personne (selon Carl Rogers)
Ecrit par: Frank Margulies
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Historique
La psychothérapie centrée sur la personne constitue un concept psychologique appliqué au travail thérapeutique ainsi qu’à l’activité de conseiller auprès de patient/es et client/es. La théorie et les concepts thérapeutiques ont été développés dès 1940 par le psychologue américain Carl Rogers (1902–1987). Son travail visait à la fois à développer des concepts alternatifs à la Psychanalyse régnant presque sans partage dans les cabinets psychiatriques de l'époque et de contrer l'enseignement universitaire trop carré et technique de la Psychologique aux Etats-Unis, dominée par les "comportementalistes" (behavioristes). Depuis lors, à travers les recherches scientifiques et les travaux universitaires de psychologues sur presque tous les continents, l'approche a pu démontrer sa grande efficacité dans la cure psychologique et a considérablement enrichi l'enseignement, non seulement de la Psychologie, mais aussi de la Pédagogie. Une innovation importante dans le domaine de la recherche scientifique des sciences sociales furent les enregistrements sur bande magnétique d'innombrables entretiens thérapeutiques et de consultations éducatives. Rogers et ses collaborateurs pouvaient ainsi analyser sur la base de milliers d’entretiens enregistrés ce qui aidait les patients et ce qui ne les aidait pas. Les premières publications et conclusions pour une psychologie et psychothérapie rénovées ont été le fruit de ces recherches approfondies. A l'époque ce type de recherche avait été considéré comme une intrusion dans les cabinets et fut combattu par les médecins-psychiatres notamment. Aujourd'hui cette technique de relevé de données est une méthode standard.
Parmi les grandes approches psychothérapeutiques, la psychothérapie centrée sur la personne est considérée comme étant la troisième voie à côté de la thérapie cognitivo-comportementale et des approches de type psychanalytique (ajoutons encore les approches systémiques, devenues en quelque sort la 4e voie…). L'approche centrée sur la personne s'inscrit dans une perspective humaniste, ensemble avec les approches de type Gestalt. Elle a mis au centre de son intérêt la notion et la variable de recherche très complexe qu’est la relation psychothérapeutique. Ce faisant elle a essayé de mieux définir les interactions psychothérapeutiques aidantes, constructives et positives et d’identifier les types de relations patient-thérapeute qui ne le sont pas ou moins (notamment les relations trop hiérarchiques entre médecin „savant“ et patient „ignorant“). Travailler dans cette approche requiert une formation postgrade portant sur plusieurs années. Cette formation comprend également une thérapie didactique centrée sur la personne. Généralement, des études universitaires en Psychologie ont été effectuées avec à la clef une maîtrise avant d'entamer la formation postgrade.
Les trois attitudes de base et les six conditions nécessaires et suffisantes pour un changement thérapeutique
L’approche met au centre la relation thérapeutique entre le client ou patient et le thérapeute. De la part du thérapeute, cette relation est marquée par la mise en œuvre des trois attitudes de base centrées sur la personne. Les attitudes de base génèrent dans leur ensemble une multitude d’interactions aidantes et thérapeutiques à chaque fois différentes et adaptées à la personne en quête d’aide. Ces interactions facilitent l'épanouissement de la faculté inhérente à chaque personne de se développer. Ce sont ces interactions qui définissent l'aide psychologique (aide psychothérapeutique) centré sur la personne.
Par attitude centrée sur la personne nous entendons les attitudes intérieures profondes du thérapeute, qui permettront au client de dépasser ses blocages qui entravent son épanouissement, de poursuivre son chemin vers un accomplissement personnel plus harmonieux et de faire face avec davantage de sérénité aux défis que pose la vie. Ces attitudes fondamentales et indissociables peuvent être décrites brièvement comme suit:
1. L’acceptation et la considération positive inconditionnelle de la personne telle qu’elle entend se montrer et dévoiler face au thérapeute.
2. L’empathie centrée sur la personne souffrante, la capacité d’entrer dans le monde de l’autre et de le comprendre avec justesse comme si on y était, avec tous ses problèmes et dans toute sa complexité, et de pouvoir communiquer cette compréhension. De cette communication naît le sentiment d’être accompagné dans sa quête de soi. Les effets de clarification, de meilleure compréhension et de conscientisation qui en résultent, aident le développement personnel.
3. L’authenticité du thérapeute permet bien souvent un dialogue sincère et constructif direct entre thérapeute et client, le thérapeute n’étant plus seulement expert du champ de la psychologie et de la psychothérapie mais aussi lui-même une personne qui se communique à son client au service du développement personnel de celui-ci.
S’ajoutent trois conditions supplémentaires aux trois attitudes de base génératrices des interactions thérapeutiques. Dans l'ensemble cela forme les six conditions nécessaires et suffisantes pour la modification thérapeutique. Les trois conditions supplémentaires sont les suivantes:
· Un contact doit être établi entre le patient et le thérapeute
· Le patient doit être dans un état dit d'incongruence entre son concept de soi et les expériences qu'il vit.
· Le patient doit être en mesure de percevoir chez le thérapeute les trois attitudes de base à l’oeuvre. Cette perception par le patient-client peut être uniquement embryonnaire.
L’impact sur le monde de la Psychothérapie qu’a eu la formulation des six conditions a été considérable, avant tout celui des attitudes de base. Mais aussi la notion de “contact”, banal en soi et conceptualisé en partie déjà ailleurs, a donné lieu à des importants développements théoriques et pratiques dans la psychothérapie avec des handicapés mentaux et les schizophrènes, population souffrante notamment au niveau du contact primaire: La pré-thérapie de Prouty a été un de ces développements remarqués à partir de la catégorie-condition “contact”. Un autre exemple en serait la thérapie de couple.
Philosophie et histoire de l'approche centrée sur la personne
Sur un plan philosophique, l'approche comprend l'être humain comme une personne qui se trouve pendant toute sa vie dans une interdépendance existentielle entre ses besoins d'autonomie et ses besoins d'être en relation avec autrui et avec la société. Les philosophes de références sont Kierkegard, Buber et Lévinas. Les deux besoins sont considérés comme vitaux et également essentiels à la vie humaine. La personne est donc une entité à la fois autonome (individuelle) et relationnelle (sociétale). Une personne n’existe pas en dehors d’un contexte relationnel, groupal, de société. Mais elle a un fonctionnement autonome aussi, individuel, avec ses spécificités qui le rendent unique. Un des buts majeurs de la thérapie centrée sur la personne est d'aider la personne en quête d'aide à trouver les moyens de son équilibre dans cette interdépendance et à y développer son plein fonctionnement social et psychologique.
L’étymologie de la notion « personne » est d’origine grecque et désigna le masque que montrèrent les acteurs au public-spectateurs assis dans les gradins. Le masque ne servit pas à dissimuler, mais à dévoiler ! Il dévoila ce qui n’était pas visible aux yeux du public, le masque ayant été le reflet de l’intérieur de celui qui interpréta un rôle donné. Ce n’était que bien plus tard au Moyen Âge que la tradition du « masque dévoilant » a cédé à la signification du masque d’aujourd’hui : le masque qui « masque » en effet quelque chose. Cela dit, dans la tradition de la mise en scène théâtrale, le masque a toujours aussi servi à montrer, à dévoiler la face cachée, celle qui ne pouvait être rendue visible autrement que par une représentation scénique (notamment dans la tradition du théâtre de Brecht). La personne au sens d’une catégorie philosophique se réfère à la signification du masque de l’Antiquité.
Intégration d’autres méthodes au besoin
La psychothérapie centrée sur la personne est sous-tendue conceptuellement par une phénoménologie personnaliste et herméneutique. Elle ne vise pas à penser dans un modèle théorique à catégories préétablies auxquelles sont versées les observations faites sur des patients ou clients. Cette dernière attitude est contraire à la Psychologie centrée sur la personne. Cela ne veut pas dire pour autant que la pensée strictement diagnostique ne soit pas familière aux psychologues centrés sur la personne. Leur parcours universitaires les a suffisamment formés à cet égard.
L’ouverture d’esprit qui résulte de l’approche centrée sur la personne est bénéfique pour l’intégration d’autres théories, notamment systémiques. Sur le plan des techniques thérapeutiques, des emprunts auprès de la thérapie cognitivo-comportementaliste sont possibles. Ces transferts ne peuvent cependant se faire sans que le thérapeute centré sur la personne ne tienne compte des attitudes de base. Ils doivent se faire en respect du cadre de référence du client et celui-ci ne peut être correctement perçu par le thérapeute en dehors des attitudes centrées sur la personne.
A propos de l'auteur
Lic. phil. Frank Margulies, 38 ans, vit à Zurich (CH). Psychologue spécialisé en psychothérapie FSP et Psychothérapeute centré sur la personne SPCP.
Membre de la Fédération Suisse de Psychologues (FSP) et de la Société Suisse pour la psychothérapie et relation d'aide centrées sur la personne dont je suis l'actuel président (www.sggt-spcp.ch). Psychothérapie Zurich
Site principal : http://www.praxis-margulies.ch/
Relation d'aide/psychologische Beratung
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